Selon la gynécologue, je m’écoutais trop

Je devais accoucher le 7 novembre 2012 d’un petit garçon que l’on m’annonçait de moins de 3kg. A ma dernière visite avec la gynécologue, très sympathique, je lui ai dit mon épuisement et mes doutes quant au poids du bébé et ma capacité à le sortir. En effet, je le sentais très gros et coincé entre mes côtes qu’il frappait régulièrement. Je demande une radio du bassin qui m’est refusée… J’ai passé 8 mois à vomir et à maigrir mais comme j’avais un peu de surpoids (pas d’obésité), cet état a été complètement banalisé pendant mon suivi. Je me plaignais parce que je n’étais pas solide et je m’écoutais trop selon la gynécologue.

Bref, le 7 novembre arrive et rien ne se passe. J’ai des contractions mais légères et très espacées. On multiplie les allers-retours à l’hôpital car je suis épuisée. On me dit de marcher 2h chaque jour. Je n’arrive même pas à faire 100 mètres sans m’épuiser mais je le fais. Parce que dans ma tête si quelque chose tourne mal ce sera de ma faute.

Le 9, lors d’un monitoring, une sage femme que je ne connais pas provoque en moi une douleur incroyable puis m’explique après m’avoir fait un décollement de membrane pour déclencher l’accouchement. Je souffre le martyr. On ne m’a pas demandé mon accord.

Le 10, comme rien ne se passe on me file un petit gobelet à boire en me disant que ça va accélérer le travail. Rien. J’ai des contractions mais aucune dilatation du col.
Face à mon épuisement au terme dépassé on me garde. Mon mari me fait marcher dans l’hôpital presque toute la nuit. Au petit matin je ne tiens plus, on m’installe en salle de pré travail et me on dit que les choses vont s’accélérer. Je réclame la péridurale. Elle arrivera au bout de 2h.

Défilent dans ma chambre internes, infirmiers, etc. Personne ne se présente jamais. A un moment, un médecin entre avec un groupe d’internes, m’examine devant eux et leur explique ce qui se passe.

Personne ne m’a rien dit à moi.

Une sage femme vient me dire que le cœur du bébé commence à ralentir et que c’est inquiétant. Elle grimpe sur moi sans aucune information préalable et appuie sur mon ventre de ces points reliés au niveau du diaphragme, enfin c’est ce que je crois vivre à ce moment là. Ca ne marche pas. Enfin si, mon bébé est descendu mais se retrouve coincé dans mon col. Je fais de la fièvre. Il va mal. En 10 secondes, la salle se remplie. On a juste le temps de me dire que mon bébé souffre et que nous devons faire une césarienne.

Dans la cohue mon mari nous suit au bloc et est autorisé à rester de mon côté.
Là un médecin guide un interne qui m’ouvre le ventre pour sortir mon bébé. On ne m’a pas demandé si j’étais d’accord pour servir d’espace d’apprentissage. Mais je suis dans un hôpital universitaire alors…
On sort mon bébé qui n’émet aucun son. Je vois une soignante sortir avec une boule bleue dans ses bras et ai juste le temps de dire à mon mari « suis-le, ne le lâche pas ».
Je vomis (le dernier de 9 longs mois). L’infirmière me hurle dessus, ce n’est vraiment pas le moment. Je pleure en écoutant le médecin guider son interne et je me sens comme une présence dérangeante.

S’ensuivent 3 longues heures dans une salle de réveil qui me semble immenses et vides. On vient de temps en temps me demander si j’ai mal, je réponds systématiquement que je veux voir mon bébé. On ne me donne aucune nouvelle. J’imagine le pire. Mais on n’hésite pas à venir me demander si la dame qui fait un scandale à l’accueil est ma belle-mère. C’est bien elle et elle a bien raison ! Je veux mon bébé.
On finit par me l’apporter et face à mon absence d’émotion on me le colle au sein. La rencontre se fait. Mais je ne voulais pas allaiter et je l’avais indiqué en amont. Cela devient un enjeu. Si je veux réparer du lien avec mon fils que je ne reconnais pas, je dois allaiter. Je l’allaiterais 8 mois en souffrant physiquement et psychiquement à chaque fois.

Ma 1re nuit en chambre est une torture. J’ai développé un hématome au niveau de la cicatrice. Je ne peux pas bouger ou porter mon fils. Je dépend des soignants. La nuit il n’y a qu’une personne. Elle me critique au bout de 3 appels que je ne vais pas la déranger toute la nuit et que je n’ai qu’à garder le bébé dans mon lit. Je pleure et écrase. Je ne peux pas le soulever alors je le garde contre moi toute la nuit, il tête en permanence jusqu’à me faire saigner. Lorsqu’elle passe elle me crie dessus que je le fais mal.

Mon fils a une infection à cause de cet accouchement. Nous passons 8 jours avec des soins intensifs et visites interdites. Je dois chaque nuit le faire rouler dans son petit lit pour qu’il aille recevoir sa perfusion d’antibiotiques. Aucune aide possible et je n’ose plus demander.

Je sais me défendre alors je demande à voir la cadre de santé et dénonce la soignante de nuit. La cadre vient en personne présenter des excuses. Mais le mal est fait.

Je passe ces 8 jours à pleurer. J’ai le sentiment que mon corps n’est qu’un objet, je dis en boucle que tout le monde m’est passé dessus, que je ne suis plus personne, que je n’existe plus.

Heureusement j’ai une famille et un mari qui m’entourent de plein d’amour et m’aident à me restaurer.
J’apprendrai 4 ans plus tard, avant la naissance de ma fille, après avoir réclamé un IRM du bassin, que je n’aurais jamais pu accoucher naturellement du fait d’une malformation de mon col. J’ai donc souffert près de 49h en 2012 alors qu’un simple IRM aurait pu éviter cela. Un examen qui m’a été refusé parce que je m’écoutais trop.

C’était il y a presque 10 ans, j’éprouve toujours le besoin de parler de ce traumatisme et lorsque je le fais je pleure. J’ai maintenant 3 enfants mais mon lien avec ce premier reste marqué par ce traumatisme, il est chargé d’une intensité toute particulière, entre le drame et la saveur d’avoir survécu ensemble à cela grâce au lien que nous avons pu créer.

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