Je suis arrivée à la maternité pour un monitoring de contrôle. J’étais à 40+1.
Le coeur de bébé va très bien.
La sage femme me fait un toucher vaginal, et me dit que l’accouchement est pour aujourd’hui, parce que mon col est dilaté. En vérité, je n’ai pas de contraction et mon col se prépare depuis des semaines.
On me retient à la maternité.
Quelques heures plus tard, comme le travail ne se lance pas (sans déconner…), cette sage femme décide, sans me demander, de me percer la poche des eaux. Elle me perfuse un truc, je ne sais pas quoi, probablement de l’ocytocine.
Je comprendrais bien plus tard qu’elle a pratiqué un déclenchement.
Le travail se lance, les contractions sont affreusement douloureuses. Toutes les demi-heures, on m’impose un toucher vaginal douloureux et on me propose de prendre la péridurale. On ne me propose ni ballon, ni rien pour me soulager. Dans cette pièce froide pleine d’équipement médical, ou le seul objet à ma disposition est un lit à étriers, je commence doucement mais sûrement à paniquer. Mon seul souhait formulé pour cet accouchement était de ne pas la prendre. Mais après le quatrième passage et autant de « vous êtes sûre ? L’anesthésiste va partir et vous ne pourrez plus la prendre« … Je craque et accepte la péridurale.
L’anesthésiste arrive, contrarié que je le fasse venir. Il crie beaucoup, je n’y prête pas attention.
La péridurale a un effet boeuf, je m’endors à présent entre chaque contraction. Je ne sens plus rien. Je suis installée sur la table d’accouchement et je n’ai pas le droit de bouger.
Quand une soignante passe, elle règle la perfusion, ou elle fait un toucher vaginal, sans le moindre mot. Elle ne répond pas à mes questions. L’ambiance est austère, glaciale. Je suis jeune et seule. On doit sans doute se dire que je ne mérite pas d’être accompagnée avec bienveillance. Je me sens comme une intruse ici, on me traite comme si j’étais un numéro, une patiente de plus. Pourtant, mon accouchement a été provoqué.
J’ai très soif mais je ne peux pas boire, interdit.
J’entends les autres femmes accoucher. Il y en a une qui crie « j’ai mal ». Elle ne recevra aucune parole réconfortante en retour. C’est terrifiant.
Quelques heures passent, je suis probablement totalement dilatée (on ne me dit rien) car d’un seul coup, une équipe d’au moins 5 soignantes entre dans la chambre. Elles ne se présentent évidemment pas. Ne me regardent pas. Ne me parlent pas.
L’une d’entre elle prend les commandes tandis que les autres femmes vont et viennent dans la pièce, tel un ballet bien organisé. On me place avec rudesse les jambes dans les étriers.
La commandante (je vais l’appeler ainsi, je n’ai jamais su son nom ni sa fonction), se place entre mes jambes et me dit de pousser.
En fait, bébé n’avait pas encore entamé sa descente mais qu’à cela ne tienne, c’est mon tour. À partir de ce moment là, j’ai 30 minutes top chrono pour expulser mon bébé, sinon…
Je pousse donc. Les poussées sont sans doute peu efficaces et la péridurale m’assomme encore (pour l’instant).
Peu à peu, la commandante passe d’une attitude froide et rigide à l’énervement et la colère.
Elle me crie maintenant de pousser, elle tourne autour de moi tel un vautour et commence à me menacer de césarienne, à me rudoyer, à hurler. On me traite comme une incapable, on m’infantilise comme jamais le jour où je deviens mère. J’ai envie d’éclater en sanglots, mais je me retiens, j’ai peur de leurs réactions.
La péridurale est vide à présent et ne fait plus effet. Le chrono est fini, je dois expulser MAINTENANT.
Elles passent la vitesse supérieure. La commandante se rassoit entre mes jambes. Une sage femme massive met ses deux mains sur mon ventre et appuie de tout son poids (expression abdominale).
Dans ma tête, je m’évade. Je suis comme un corps subissant plus de douleur et d’horreur qu’il ne peut supporter. Je me « coupe » de mes sensations.
La commandante fait une épisiotomie, utilise la ventouse, les autres continuent à m’engueuler comme un chien.
Enfin, je mets au monde mon enfant, le placenta sort dans la seconde, mais mon calvaire n’est pas fini.
On emporte mon bébé au bout de la pièce, il hurle de toutes la force de ses petits poumons. Sans doute qu’on lui fait les premiers soins, on ne me dit rien. C’est terrible.
Je n’ai besoin que d’une chose: qu’on me rende mon bébé. Que je puisse le rassurer et l’apaiser.
J’ose la réclamer. Mais cela déchaîne la colère de la commandante.
– Non, me dit-elle, vous ne l’aurez pas tant que je n’aurais pas fini de vous recoudre, alors, restez immobile pour l’avoir plus vite.
J’ai l’impression qu’elle y prend un plaisir sadique. Elle me recoud point par point avec une lenteur exaspérante, je sens tout.
On met mon bébé hurlant sur une table métallique à roulette juste à côté de mon lit. Je ne peux que la regarder et lui parler. C’est tellement cruel. Ça dure si longtemps
Enfin, elle permet qu’on me donne mon enfant. Je suis si crispée que je reste à demi assise tandis que mon bébé se jette sur mes seins.
Les femmes sortent toutes de la pièce, la dernière éteint la lumière en partant.
Suite à cette boucherie, on me retient « prisonnière » 5 jours dans cette clinique. On me laisse me débrouiller seule avec mes douleurs. L’allaitement se passera très mal
Les puéricultrices ne sont pas douces non plus.
On me traite comme une enfant. On me réveille toutes les nuits, parfois pour déplacer mon bébé dans son berceau alors qu’il dormait profondément. Alors je dois me lever, lui donner mes seins sanglants de nouveau…
Au terme de cette prise en charge, ma confiance en ma capacité d’être une bonne mère est détruite.
Aucun accompagnement psychologique ne m’est proposé.
Je dors très mal, j’ai souvent des envies suicidaire.
Je développe une peur panique des soignants, des hôpitaux.
Je ne me soigne plus. Je plonge dans l’isolement. Personne ne comprend ma douleur.
Bébé va bien, c’est tout ce qui compte.
À ma grossesse suivante, j’accouche chez moi, sans soignante, incapable de me défaire de la panique de la maternité.
J’ai un accouchement de rêve. J’ai pu expulser mon bébé à quatre pattes, rendez vous compte de ce privilège.